Montreuil, Pantin, Saint-Ouen, Clichy-la-Garenne, Bagnolet, Gentilly, Suresnes, Bondy, Bobigny, Noisy-le-Sec, mais aussi Malakoff, Montrouge, Vanves, Boulogne, Ivry, Saint-Denis, Villemomble, Sèvres, Arcueil, Saint-Denis, Charenton, Les Lilas et Levallois.
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« Nous
sommes ici chez nous dans les banlieues soulevées.
Banlieues
outragées, banlieues brisées,
banlieues gentrifiées, mais banlieues libérées ! »
(Hassan-Kevin
de Gôle, 21 mai 2088)
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Tout
le roman tourne autour de Paris, où il n'entre presque pas. N'y
habitent qu'Isabelle, une cadre sup de la Défense, qui se demande
comment elle a pu « être assez salope pour gagner
suffisamment de fric. » Et Pierre, âgé de 78 ans, qui
s'est installé à Paris dans les années 1960. Les prix du logement,
à l'époque, c'était autre chose.
Ainsi
Paris est-il centrifuge, de Pantin à Gentilly, jusqu'au deuxième
cercle de banlieues, de Suresnes à Noisy-le-Sec.
Le
gros cliché serait alors de parler de misère, de HLM, de barbus et
de dealers. Mais la banlieue, c'est aussi ceci :
les Grands moulins de Pantin, rénovés par la grâce de la BNP Sécurité et ses milliers de cols blancs (chapitre 6) |
un quartier d'affaires de Montreuil (chapitre 4) |
Dans
d'anciennes zones industrielles, de très grandes entreprises
modernes accueillent ainsi des open-spaces efficients et sécurisés
et des salles de repos où les tables de ping-pong prouvent
l'humanisme des employeurs.
Dans
d'anciennes zones industrielles, de très grandes entreprises
modernes accueillent ainsi des open-spaces efficients et sécurisés
et des salles de repos où les tables de ping-pong prouvent
l'humanisme des employeurs.
C'est
que l'immobilier est moins cher ici. Et peu à peu s'ajoutent
alentour des burgers tendance et des bars à jus, des épiceries bio
et des fromageries, des résidences HQE au-dessus du canal.
L'autre
cliché serait alors de croire à une complète gentrification de
Montreuil ou Saint-Ouen, ou au mythe de la mixité sociale. Mais ce
sont des mosaïques: les HLM jouxtent Ubisoft et la BNP, et les
femmes voilées côtoient les tailleurs-pantalon - mais sans se
fréquenter et sans se parler (à l'exception de petits malins qui
développent leurs ventes de cocaïne pour les cadres d'Hermès ou
des boîtes de pub.)
La
vieille banlieue survit donc, avec ses immeubles insalubres et ses
vestiges de maisons du peuple. Et, dans les abords immédiats de
Paris, elle se mêle à cette nouvelle banlieue hors de prix, celle
qui, en trente ans, a transformé la communiste Levallois-Perret en
la jolie ville des Balkany :
Les cités-jardins de Suresnes (chapitre 2) |
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Le stade Allende, à Noisy-le-Sec (chapitre 6) |
A Gentilly, une maison ouvrière où Marion habite peut-être (chapitre 9) |
Quand
on marche là-dedans, le territoire est palimpseste: on voit partout
les fantômes du passé, les usines disparues et les illusions de la
classe prolétaire: dans les années 1930, seule Neuilly-sur-Seine
n'était pas coco ou socialo (tandis que les socialistes de l'époque
prétendaient détruire le capitalisme: ça donne une idée de
l'ambiance.) Et plus anciennement encore, les marécages de l'Ancien
Régime.
Le
palimpseste est même triple : on rêve du Grand Paris futur,
comme un idéal de structure rationnelle fomenté dans le verre et le
métal des tours de La Défense.
C'est
en même temps une toile d'araignée, avec ses rues de Paris et ses
lignes de transport qui convergent vers la capitale. Plus on s'en
rapproche, logiquement, plus les interstices deviennent étroits.
L'action devient donc plus complexe, surtout si l'on songe que cette
toile se double de celle des caméras de vidéosurveillance, des
portiques d'accès, des badges et des vigiles.
Le
pire est sans doute que des gens y vivent. Ou plutôt: s'y
juxtaposent. Karim, Hendrix, Marion, Basile, Cyrille, Greg, etc. :
ils n'ont rien à vivre avec leurs voisins. Donc les affinités se
font de loin en loin, de banlieue en banlieue, et sur Internet, sans
qu'il ne reste rien de la solidarité résignée et utopique
d'autrefois qu'incarne le vieux couple Rios.
Paris
ne serait donc qu'un mensonge, d'où le triomphe bourgeois serait
parti du centre afin d'envahir d'abord République, le vingtième
arrondissement, puis la banlieue proche.
Mais
un dernier cliché semble parfois nous sauver du cauchemar – celui
des banlieues riches, résidentielles, fleuries :
La Défense, vue de Suresnes (chapitre 2.) |
L'esplanade du mont Valérien et le Mémorial, à Suresnes (chapitre 28) |
Attentifs
ensemble se promène ainsi, partout autour de Paris, dans
l'odeur des voitures qui crament et le souvenir ému de notre bon
Général.
Il
nous fait heureusement souffler, à l'occasion, dans la ferme du sud
de l'Yonne et son semblant de communauté autarcique, naturelle et
heureuse.
Et
même à Berlin, à Bologne - ou à Turin, dans le triomphe du Mal :
La statue de Lucifer, à Turin (chapitre 32) |
Que
Lucifer soit gaulliste ou situationniste ? Attentif
ensemble ne conclura pas.